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Quand une identité métropolitaine se décline à l’échelle des proximités
Samuel BALTI,
Maître-assistant associé, membre du Laboratoire de Recherche en Architecture École Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse
Si l’université participe de la construction identitaire de la métropole toulousaine, le témoignage de ceux qui la vivent au quotidien révèle les particularités de chaque site et les rouages d’une identité plurielle.
Toulouse est aujourd’hui bien connue pour la qualité de son appareil de formation universitaire, la concentration de ses enseignants-chercheurs ou le dynamisme de sa vie étudiante. Plus rares sont néanmoins les observations qui considèrent la particularité de chaque site universitaire, tant du point de vue de leur composition interne que de leurs liens avec les territoires situés à proximité. C’est dans cette perspective notamment qu’ont été organisés ces dernières années plusieurs workshops avec des étudiants 1. Ces derniers avaient à réfléchir sur la place de l’université dans la ville : il leur a été demandé pour cela d’arpenter les différents sites et de mobiliser leur propre expérience pour décrire des ambiances, des usages et des enjeux, puis imaginer des propositions d’aménagement. Le résultat de ces travaux offre alors un matériau précieux pour renouveler les regards sur l’université de Toulouse et capter celui de ceux qui la vivent au quotidien.
Les campus de la périphérie et les nombreux sites du centre-ville
Au sud de Toulouse, Rangueil se présente comme un campus étalé et aéré, où les distances à parcourir sont parfois contraignantes, mais dont on reconnaît la qualité du cadre de vie et les nombreux espaces de nature. Le contexte est différent au Mirail, plus à l’ouest. La superficie y est six fois moins importante et les densités plus fortement ressenties.
L’université du Capitole semble aujourd’hui un peu à l’étroit au centre-ville même si celle-ci profite de la qualité patrimoniale de certains bâtiments historiques. Des écoles spécialisées et établissements secondaires renforcent la présence d’étudiants dans les secteurs alentours (Esav, TBS, classes préparatoires et BTS). D’autres constituent des polarités secondaires qui se fondent dans l’effervescence de l’hypercentre (l’isdaT près d’Esquirol) ou dans la vie très animée de certains quartiers (l’Enseeiht à Saint-Aubin).
Des frontières naturelles, construites ou symboliques avec la ville
Autour de ces différents sites, les étudiants ont décrit des relations contrastées entre l’université et la ville. À Rangueil, les espaces naturels représentent un fort atout paysager quoiqu’ils puissent aussi être perçus comme des contraintes difficiles à franchir, que ce soit à l’ouest avec le dénivelé des coteaux de Pech David ou à l’est avec la traversée du canal du Midi. Au Mirail, les limites sont surtout symboliques puisque rares sont les habitants du quartier à fréquenter l’université et rares sont les étudiants à s’y déplacer, si ce n’est pour rejoindre le métro. Ces derniers ignorent alors pour la plupart les lieux de détente qui s’offrent à eux, non loin de l’université, comme le parc de la Reynerie ou encore la coulée verte du Négogousse.
Aux frontières naturelles et symboliques, s’ajoutent celles construites et matérialisées par les clôtures ou les grands axes routiers. Si ces derniers assurent la connexion des campus au reste de la métropole, ils représentent à l’échelle des proximités des ruptures difficiles à franchir pour le piéton. Au centre-ville, malgré des efforts d’aménagement de l’espace public, la circulation automobile est toujours vécue comme une gêne qui nuit à la qualité de vie et contraint les déplacements alternatifs. Les étudiants y décrivent alors des parcours, du domicile vers le lieu d’étude, semés d’embûches et de discontinuités : lorsqu’il s’agit d’emprunter des trottoirs étroits, de slalomer entre les voitures ou de poursuivre son chemin au-delà de la piste cyclable.
Une vie étudiante aux temporalités très contrastées
Les liens qui se construisent entre l’université et la ville dépendent de contraintes et de qualités propres à chaque site, également de pratiques qui s’ancrent dans la durée. Ainsi, les limites de l’université s’effacent en centre-ville les étudiants ont l’habitude, lors de pauses cafés, déjeuner ou festives, de sortir de l’établissement pour se retrouver dans l’un des nombreux bars ou restaurants situés juste à côté. Les usages se confondent alors souvent avec ceux des habitants, au point même, selon certains, d’affaiblir l’identité de l’université ou de renforcer le caractère étudiant de certains quartiers.
Dans les campus de la périphérie, la vie étudiante dépend plus étroitement de la programmation des activités pédagogiques. Durant les vacances, le « campus aéré » de Rangueil devient un « campus sans vie », aux ambiances « moroses ». Dans l’après-midi, les lieux de restauration très prisés de « la dalle » de Mirail Université commencent à se vider et à fermer leurs portes. Et le flux continu d’étudiants qui rejoignent le métro lors de chaque interclasse révèle ces temporalités très fragmentées de la vie au sein du campus. Outre les spécificités de chaque site universitaire, les regards d’étudiants révèlent ainsi des préoccupations communes qui portent moins sur l’aménagement de grands équipements ‒ lesquels existent déjà ou sont en cours de construction ‒ que sur une meilleure utilisation des ressources existantes. Leurs propositions d’amélioration consistent alors souvent à imaginer des commerces itinérants, des installations éphémères ou des expositions culturelles qui pourraient conforter de nouvelles centralités aux entrées de chaque site, renforcer les porosités et ainsi créer les conditions d’un vivre ensemble avec les quartiers environnants. L’université et ses abords sont alors considérés au-delà de leurs fonctions d’accès à la connaissance, comme un morceau de ville à part entière. Un pas de plus serait-il d’affirmer l’identité de Toulouse « ville campus » par une meilleure intégration des universités aux quartiers environnants ?
Photos © Workshop 2014, 2015, 2016